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Flagranti : une émancipation par le biais de l’art

Flagranti : une émancipation par le biais de l’art

Flagranti : une émancipation par le biais de l’art

La toute dernière présentation de la pièce théâtrale « Flagranti » s’est achevée samedi dernier dans l’espace « Cinéma Théâtre Rio ». Cette pièce a pour thème central le vécu de la communauté LGBTQ++ en Tunisie. La scénariste et metteuse en scène Essia Jaibi parvient, malgré les nombreux clichés qui contournent le sujet, à proposer une lecture singulière de ce vécu : une lecture qui atteste d’une grande lucidité. C’est la première pièce de théâtre queer en Tunisie, coproduite avec Mawjoudin, une association qui défend les droits des LGBTQ.

Une singularité dans l’écriture :

Cette création artistique regroupe six acteurs tunisiens qui ont tous fait preuve d’un grand professionnalisme dans leurs jeux théâtraux. 

Contre toutes attentes, cette pièce est loin de transmettre un sentiment de vulnérabilité collective. Sur scène, les discours de victimisation ne font plus d’écho. Désormais, c’est le discours à la fois scientifique et humaniste qui prend place et prévaut du fait de sa cohérence et sa forte légitimité. 

En effet, ce qui est particulièrement prenant et attrayant dans cette pièce réside dans le fait qu’aucun des personnages ne se force à justifier son identité sexuelle. Visiblement, la scénariste rompt avec ce débat révolu !

Mais, évidemment, elle ne tente pas, non plus, de transfigurer la réalité de cette communauté, ni à occulter les contraintes qui l’affligent quotidiennement. D’ailleurs, il suffit qu’un événement surgisse pour faire basculer les six personnages de la pièce vers une trajectoire redoutable.

Des personnages à dimensions diverses :

Si nous transcendons légèrement les apparences, nous nous apercevons que derrière chaque personnage se profilent une pensée, une perception et une conscience à transmettre.

Le personnage de Bakhta que joue l’actrice Fatma Ben Saïdane incarne au début cette Tunisie tolérante qui soude ses enfants au lieu de les disloquer : une Tunisie qui abrite des âmes pures, libres et exaltées, exactement comme a fait Bakhta. Bref, c’est cette image gratifiante de la Tunisie qui anime nos rêves depuis très longtemps. 

Mais hélas, le personnage de Bakhta révèlera par la suite son autre facette et incarnera un profil humiliant et profondément redoutable ; celui de la policière qui entre en jeu. En effet, ces deux aspects de ce personnage vont aller de pair tout au long de la pièce. Ainsi, c’est ce dédoublement de personnalité que la scénariste semble vouloir fustiger. 

D’ailleurs, cette double facette qui caractérise le personnage de Bakhta a été de même reproduite dans les autres personnages de la pièce. Cela laisse présager, dans une plus large mesure, une déception collective. 

Une déception envers cette Tunisie schizophrène qui proclame dans sa constitution la liberté de ses citoyens et façonne en réalité leur servitude. 

En effet, l’accent a été mis, à maintes reprises, sur le fameux article 230 du code pénal tunisien qui comporte, selon de nombreux auteurs, une criminalisation anticonstitutionnelle et une violation flagrante des droits humains, autant sur le contenu du texte lui-même que sur les modalités de son application dans la pratique. 

Partir ou rester : ce tiraillement affligeant

Il est advenu inévitablement le moment où le besoin du départ s’est fait ressentir de la part de l’un des personnages. Ce moment était particulièrement le plus exaspérant, même s’il n’a pas été largement illustré dans la pièce. Car nous avons été obligés, en tant que spectateurs, de nous mettre dans la peau de cette personne qui voit ses horizons se rétrécir et ses espoirs se démolir. Une personne qui se trouve furieusement déracinée de sa propre patrie à cause de son identité sexuelle différente. 

Bien que la possibilité de rebondir dans un pays qui n’est pas le sien soit certaine, elle est loin de pouvoir séduire ce personnage.

Flagranti : une sensibilisation bidimensionnelle :

Un autre aspect qui singularise encore une fois cette pièce des autres créations qui l’ont précédé, consiste, à notre sens, dans le fait qu’elle repose sur une sensibilisation bidimensionnelle : à savoir une sensibilisation qui s’alimente et s’articule autour des événements de la pièce et une autre qui est exprimée en dehors du jeu théâtral par les acteurs eux-mêmes et ce à des moments échelonnés. C’est ainsi, par exemple, que la question de la détention préventive a fait l’objet de sensibilisation directe, et ce, dans l’espoir de la voir s’effectuer conformément au Droit dans la vie de tous les jours. 

Pour conclure, cette pièce s’avère manifestement « flagranti » dans ses messages sensibles et audacieux, judicieusement véhiculés et qui méritent donc d’être plus audibles. Finalement, réjouissons-nous de cette émancipation théâtrale en attendant une autre qui serait bien plus significative, et qui se manifestera, nous l’espérons, au niveau des lois.

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Ahmed Zribi

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